Sortir de la précarité
Proposer une réelle carrière
Le « statut » des contractuels est une catégorie bien souvent précarisée dans nos ministères : recrutement dans le flou, paie souvent très faible, renouvellements en catastrophe et possibilité de mobilité très rares.
Depuis 2021, le ministère a mis en place un double système de carrière, entre les agent-es nouvellement recrutés et les autres. Loin de simplifier la gestion, ce nouveau fonctionnement renforce les inégalités et les injustices.
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Il est urgent de défendre un cadre clair et sécurisant !
Il n’est pas admissible que l’Etat s’autorise des pratiques qui seraient complètement illégales dans le privé : 6 années de CDD avant de pouvoir enfin prétendre à un CDI.
Cette situation est angoissante pour les agent-es qui la vivent, l’insécurité professionnelle est un risque psycho-social important et qui empêche de faire des projets de vie personnels et familiaux. Elle est aussi préjudiciable au bon fonctionnement des services qui subissent un fort turnover peuvent difficilement anticiper la présence de leurs agent-es contractuel-les, ainsi qu’aux finances publiques, puisque l’Etat préfère payer des indemnités de chômage ses ex-agent-es, plutôt que des salaires à des contractuel-les efficaces et reconnu-es.
Il faut que l’embauche se fasse en CDI. Il n’est plus justifiable de laisser les agent-es, dont le ministère a besoin de manière pérenne, en situation de précarité.
Un autre équilibre est possible et souhaitable, sécurisant pour les agent-es, sécurisant pour les services.
Actuellement, les rémunérations restent incompréhensibles pour les agent-es que ce soit le calcul du montant ou son évolution. L’omerta et le flou règnent, entrainant de fortes inégalités. Pour la CGT, le salaire doit être transparent et équivalent à celle des fonctionnaires de même grade.
Enfin, il faut encourager la mobilité et développer un vrai plan de carrière au sein des directions et entre les différents ministères. Si le ministère doit avoir recours à des contractuel-les en cas de vacance de poste, elle doit le faire en proposant un plan de préparation aux concours. Ainsi, l’administration se donnera les moyens de respecter les principes qu’elle édicte et éviter de créer un volant de travailleur précaire.
L’action de tous peut changer les choses.
A ce titre, la lutte organisée par le collectif des contractuel-les précaires de la DGOS, a porté ses fruits (cédéisation pour certains d’entre eux), la mobilisation des ingénieurs de prévention leur a permis d’accéder dès l’embauche au CDI et celle de la DARES puis de la DREES ont permis d’obtenir de nouvelles grilles de recrutement.
Dans le cadre de l’élection de vos représentant-es à la CCP, vous pouvez agir en votant pour des élu-es actifs prêts à relayer les revendications des contractuel-les et les mobilisations dans les instances du dialogue social.
1 | C’est quoi un contractuel 1984 ?
C’est le statut de la plupart des contractuel-les recruté-es dans notre ministère. Il a progressivement remplacé l’ancien statut des « contractuel-les 1978 ». Le temps passant, il ne reste plus aujourd’hui qu’une quarantaine de contractuels 1978…
La loi de 1984 a introduit quelques principes toujours valables aujourd’hui :
- tous les emplois permanents doivent être occupés par des agent-es titulaires, sauf s’il n’y a pas de corps de titulaires (sociologues, informaticien-nes, chargé-es de communications, documentalistes…)
- les contractuel-les sont embauché-es en CDD pour 3 ans, renouvelable une fois.
Transposant une directive européenne, la loi du 26 juillet 2005 introduit le CDI pour les contractuels de la fonction publique au bout de 6 ans de CDD (rappelons au passage que la durée des CDD dans le privé ne peut dépasser 2 ans !).
Si cette décision a sécurisé la situation des anciens contractuels, elle a également conduit à développer un nouveau sport à la DRH et dans les directions : chasser le CDI !
La circulaire Lebranchu est très claire sur deux principes, sur lesquels notre administration s’assoit allègrement. Nous citons :
- « le caractère permanent du besoin qui justifie la conclusion d’un contrat sur le fondement de cet article doit conduire à proposer des contrats de trois ans »
- « toute décision de non renouvellement d’un contrat fondé sur la volonté de priver l’agent-e de la possibilité de bénéficier d’un CDI serait entachée de détournement de pouvoir ».
Toutefois, la jurisprudence est assez claire : si aucun fonctionnaire ne postule et si le poste n’est pas supprimé, le passage en CDI au terme des 6 ans est automatique.
Force est de constater dans notre ministère que les pratiques de chaque direction sont disparates. Et certaines, couvertes par la DRH, s’éloignent sensiblement du cadre légal. Si certaines proposent de manière habituelle des CDI au bout de 6 ans à leurs contractuels « à profil spécifique », qui ne concurrencent pas des corps de fonctionnaires, d’autres inventent des pratiques franchement scandaleuses : renouvellement en CDD de 2 ans et 11 mois pour éviter le CDI, changement d’intitulé de la fiche de poste pour faire croire à la suppression du poste occupé et nous passerons sur les pressions exercées sur les agents pour s’assurer d’un départ « volontaire ».
Le plus souvent, les CDI ne sont pas proposés aux contractuel-les occupant des postes « classiques » et les RH perdent un temps fou à renouveler des CDD une, deux ou trois fois avant le CDI. Accéder au CDI est un vrai parcours du combattant, pour les agent-es et pour leur hiérarchie qui, le plus souvent doit monter au créneau pour les soutenir.
Pour sortir les contractuel-les de la précarité, la CGT défend :
-
- des recrutements en CDI des agent-es relevant de métiers spécifiques
- des conditions de titularisation acceptables pour tous les contractuel-les qui remplissent les conditions d’ancienneté
- l’arrêt du recours aux contrats précaires pour couvrir des besoins permanents.
2 | Mettre fin à l’opacité des rémunérations : À travail égal salaire égal
La rémunération d’un-e contractuel-le se décompose aujourd’hui en trois niveaux :
- la rémunération indiciaire définie par le cadre de gestion
- qui peut être complétée selon le cas par une surindiciation
- et des primes appelées « compléments de rémunération ».
Les deux premiers items souffrent, comme pour les fonctionnaires, du gel du point d’indice.
Sur ce format assez général, le ministère a désormais introduit deux systèmes parallèles.
Pour les agent.es recruté.es avant 2021
Depuis 2008, un cadre de gestion organise le déroulement de carrière des contractuel-les. On compte 5 niveaux d’emploi (1 pour les catégories B et C et 4 pour les A).
Le passage d’un niveau à l’autre est difficile et opaque puisque seul un changement de métier ou de catégorie hiérarchique peut justifier un changement de grille. Pour ne rien arranger, ces deux critères sont interprétés de manière subjective et opportuniste non seulement dans les deux ministères mais également suivant les directions : ainsi, pour les postes de chargés de missions, certaines directions proposent du niveau 3 uniquement, tandis que d’autres ont des postes expérimentés en niveau 2. Et ne parlons pas des différences entre administration centrale et services déconcentrés, où les niveaux 1 et 1bis sont quasi inexistants.
Pour certains métiers, le traitement indiciaire de la grille est complété d’une « surindiciation ». Par exemple, suite à la mobilisation des agent-es, les statisticiens, économistes et démographes bénéficient de surindiciation en fonction de leur diplôme.
Si les contractuel-les bénéficient de grille de rémunération, le principal problème pour les collègues est l’arrivée en fin de grille : la carrière est alors complètement bloquée et la rémunération peut rester la même pendant des années, voir jusqu’à la retraite.
En effet, les ministères refusent de réévaluer tous les 3 ans les contractuel-les sauf en cas de changement de fonction. Or, comme la plupart sont recrutés sur un métier précis, les possibilités d’évolutions sont extrêmement limitées. Surtout, l’administration interprète à son avantage les textes, alors que le réexamen et la réévaluation étant en réalité obligatoires également sur la base de l’expérience de l’agent-e qui progresse avec le temps.
Pour la CGT, ces abus doivent cesser et tous les agent-es doivent pouvoir avoir un droit à la carrière et à l’évolution de leur rémunération.
Pour les agent.es recruté.es depuis 2021
Un nouveau cadre a été mis en place uniquement pour les nouveaux recrutements. Il impose un niveau de rémunérations variant selon les directions et la fin des revalorisations automatiques tous les trois ans.
Ce référentiel propose une répartition des postes des ministères sociaux, associés à des niveaux de rémunération plancher et à des plafonds variables en fonction de l’ancienneté.
Contrairement au cadre précédent, rien ne garantit concrètement une réévaluation triennale de la rémunération. Désormais, le salaire des agent-es pourra stagner sans recours possible…
Ce dispositif constitue une régression par rapport aux grilles salariales qu’avaient obtenu les organisations syndicales, même si elles sont largement perfectibles. Il s’agit d’un contrat négocié individuellement direction par direction sur des critères largement contestables, et dans l’opacité la plus totale.
Pour les plus jeunes de nos collègues, les perspectives d’avenir se résument à un CDD à durée variable (de 1 à 3 ans) et qui trop souvent n’est pas renouvelé au-delà de six ans.
C’est un gâchis immense de compétences, une mauvaise image pour la fonction publique, dans laquelle beaucoup auraient voulu s’investir. La précarité n’a pas sa place dans nos missions, nos ministères et dans la fonction publique.
Victoire de la CGT : l’accès aux documents Un an après son entrée en vigueur, l’administration refusait toujours de communiquer le tableau de recrutement de 2021. Les candidat-es, qui ont le droit d’avoir accès à ces documents avant de postuler, en étaient privés. La CGT a donc fait un recours auprès de la CADA. Après un avis positif, l’administration a enfin adressé les documents, que la CGT a transféré à tout-es les agent-es. |
Pour remettre de la transparence et de l’égalité dans les rémunérations, la CGT défend :
-
- un cadre de gestion unique avec une refonte des grilles, permettant une rémunération adéquate pour prendre en compte les fonctions et le niveau de formation des agents tout au long de leur carrière
- des augmentations de salaire transparentes et claires lors d’un changement de poste, d’une prise de fonction d’encadrement ou en fonction de l’expérience
- la révision du plafond des primes et l’alignement sur ceux des fonctionnaires.
3| Les chiffres clés
En 2020, nos ministères comptabilisaient 3 180 agent-es non titulaires.
Répartition des effectifs de contractuel-les par périmètre d’emploi | |||
Secteur Affaires sociales et santé | Administration centrale DRJSCS DDCS ARS |
640 166 1726 |
20% 5% 54% |
Secteur Travail-Emploi | Administration centrale DIRECCTE |
321 327 |
10% 10% |
Source : RSU des ministères sociaux, 2020
- Plus de la moitié des contractuel-les sont en postes dans les Agences Régionales de Santé (ARS)
- Parmi l’ensemble des agent-es des ministères sociaux, 15 % sont contractuel-les
- Dans les administrations centrales Santé et Travail, plus de 1 agent-e sur 4 est contractuel-le
- 54 % des contractuel-les des ministères sociaux sont en CDD
- 14 % : c’est l’écart de salaire moyen entre les fonctionnaires et les contractuel-les.
4| La Commission Consultative Paritaire (CCP) : à quoi ça sert ?
La CCP, c’est le lieu où l’administration doit vous informer sur vos droits.
Vos élu-es en CCP sont consulté-es sur les questions de: | ||
Licenciements | Sanctions disciplinaires | Télétravail |
Congés pour raisons familiales et personnelles | Congés de mobilité ou de formation | Temps partiels |
Recours contre les comptes rendus d’entretiens professionnels | Refus opposés aux demandes d’autorisation d’absence pour suivre une préparation à un concours ou une action de formation | Liste d’aptitude des contractuels décret de 1978 |
Dans tous les cas, les contractuel-les en poste doivent être entendu-es, associé-es et accompagné-es dans leur parcours administratif. Ces solutions nous semblent les seules viables pour sortir du bric à brac actuel. Les évolutions juridiques récentes visant à résorber la précarité (loi Sauvadet, circulaire Lebranchu de juillet 2013…) n’ont jamais empêché l’administration d’utiliser les contractuel-les comme une variable d’ajustement, le premier fusible du dépassement de son budget.
La liste CGT composée de collègues contractuel-les compétent-es, formé-es pour la défense syndicale. Vos représentant-es se mobiliseront avec vous pour lutter contre la précarité, la durée des CDD, la titularisation, la rémunération, la mobilité, garantie d’un vrai parcours professionnel.
Pour la CGT, les contractuel-les doivent bénéficier d’un niveau de protection juridique et de droits équivalents à ceux des fonctionnaires, mais adaptés à leur situation de non-titulaires.
Pour répondre aux dysfonctionnements croissants et à la colère légitime des contrac-tuel-les de nos ministères, la CGT demande que la DRH ouvre une réelle négociation avec les organisations syndicales et les agent-es permettant d’aborder tous les points du par-cours d’un-e contractuel-le : recrutement, rémunération, mobilité géographique, renouvellements, déroulement de carrière.
La CGT revendique :
- Une gestion des agents contractuel-les à partir d’un référentiel de rémunération unique.
- La reconnaissance salariale des compétences et de l’expertise des statisticien-nes, les sociologues, chargé-es de communication, gestionnaires des ressources humaines, informaticien-nes…
- L’alignement du salaire net avec celui des titulaires.
- La réévaluation automatique tous les trois ans des rémunérations.
- Le passage en CDI avant six ans pour les agents contractuel-les recruté-es sur emploi permanent et le recrutement directement en CDI.
- La portabilité des contrats avec des possibilités de mobilité
- Une prime de précarité de 10% du salaire pour les CDD.