Augmentations de salaires…

En 2023, le compte n’y est (toujours) pas !

Le Pôle Prospective et Territoires met désormais à disposition une version synthétique (temps de lecture 5 minutes) des mémos économiques qui permettent quant à eux de développer les sujets.

1. De prétendus gains de pouvoir d’achat

Dans la publication de la Dares du 22 mars 2024, les résultats définitifs pour le quatrième trimestre 2023 indiquent que les salaires ont augmenté plus vite que l’inflation fin 2023. Le salaire horaire de base des ouvriers et des employés (SHBOE) a augmenté de 4,1% entre fin décembre 2022 et fin décembre 2023. Le salaire mensuel de base (SMB) a quant à lui progressé de 3,9%. Dans le même temps, l’indice des prix à la consommation (IPC) hors tabac a lui augmenté de 3,6% entre le quatrième trimestre 2022 et le quatrième trimestre 2023.

Toutefois, il est primordial de rappeler qu’il faut réfléchir en moyenne annuelle plutôt qu’en glissement annuel pour mesurer l’évolution de l’inflation et, in fine, du pouvoir d’achat. Les résultats en moyenne annuelle sont plus représentatifs de l’inflation observée sur l’année, alors que les résultats en glissement annuel ne vont comparer que le dernier trimestre d’une année à celui de la précédente. Or il est possible que même si l’inflation ralentit sur les derniers mois de l’année, elle demeure forte sur l’ensemble de l’année. Il en est de même pour les salaires dont la croissance peut s’accélérer en fin d’année, mais être faible sur l’ensemble de l’année. Aussi, les augmentations de salaires doivent être calculées pour l’année, donc en référence à une inflation annuelle et pas trimestrielle.

En calculant les résultats en moyenne annuelle à partir des données de la Dares, il apparait qu’en 2023, les travailleuses et les travailleurs ont continué à perdre en pouvoir d’achat. En effet, alors que l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) augmentait de 5,4% en moyenne en 2023, le SHBOE n’a augmenté que de 4,3%, et le SMB de 3,9% !

2. Une perte durable de pouvoir d’achat !

En comparant le niveau des salaires et des prix d’aujourd’hui à ce qu’ils étaient il y a trois ans, on peut faire apparaitre les gains ou les pertes cumulées de pouvoir d’achat. Le graphique ci-dessous montre alors que sur les trois dernières années, les travailleuses et les travailleurs ont perdu plus
de 5 points de pouvoir d’achat !

Concrètement, pour un∙e travailleur∙se rémunéré∙e au salaire médian, la perte de 5 points de pouvoir d’achat depuis 2020 se traduit par une perte, en 2023, de 143 euros de pouvoir d’achat par mois, soit 1716 euros par an ! (De nouveau, même si le salaire monétaire, c’est-à-dire celui sur la fiche de paie, a continué à augmenter sur cette période, la hausse des prix a été plus importante, ayant pour effet de réduire le pouvoir d’achat des travailleur∙ses.)


Figure 1. Évolution du salaire horaire de base des ouvriers et des employés et du salaire mensuel de base déflatés par l’indice des prix à la consommation harmonisé entre le deuxième trimestre 2020 et le quatrième trimestre 2023 (base 100 au T2 – 2020).

Une autre façon de se représenter l’ampleur de ces pertes est de se demander à quel point dans le temps elles nous ramènent en termes de pouvoir d’achat. À partir des données de la Dares, nous montrons qu’à la fin de l’année 2023, le pouvoir d’achat du salaire mensuel de base est revenu à son niveau de fin 2012 ! En d’autres termes, les pertes de pouvoir d’achat qui ont eu lieu entre 2020 et 2023 ont complétement effacé les gains qui avait été faits entre 2012 et 2020, faisant ainsi disparaitre 8 ans de progression salariale, et faisant revenir les travailleuses et les travailleurs 11 ans en arrière. C’est ce que montre le graphique ci-dessous.


Figure 2. Évolution du salaire horaire de base des ouvriers et des employés et du salaire mensuel de base déflatés par l’indice des prix à la consommation harmonisé entre le quatrième trimestre 2012 et le quatrième trimestre 2023 (base 100 au T4 – 2012).

En reprenant les projections macroéconomiques sur l’évolution de l’inflation de différentes institutions de prévisions économiques, nous pouvons essayer de nous faire une idée des hausses de salaires qui seraient nécessaires sur les deux années à venir afin de rattraper les pertes de pouvoir d’achat cumulées depuis le deuxième trimestre 2020.

Nous montrons qu’il faudrait que les salaires augmentent entre 4,5% et 5,5% par an en moyenne sur les deux prochaines années ! On est alors (très) loin des montants qui sont annoncés pour l’instant par les cabinets d’expertise, qui prévoient des hausses de salaires plus faibles qu’en 2023, et comprises entre 3% et 4% en 2024. ( Selon le Centre Études et Data du groupe Alpha, les NAO ont débouché sur des augmentations moyennes de 3,5% en 2024 contre 4,6% en 2023.)

Dit autrement, sans augmentation importante des salaires dès cette année, les pertes de pouvoir d’achat risquent bien d’être durables.

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